Le Chat (1)
Viens, mon chat, sur mon coeur amoureux
Retiens les griffes de ta patte
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux
Mêlés de métal et d'agate.
Lorsque mes doigts, caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique
Je vois ma femme en esprit. Son regard
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard.
Et les pieds jusqu'à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de mon corps brun.
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Les Chats
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également dans leur mûre raison
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison
Qui comme eux sont frileux, et comme eux sédentaires.
Amis de la sciences et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin
Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Charles Baudelaires
Les Fleurs du Mal