Un jour, ma bien-aimée et moi ramions sur le lac d'eaux douces.
Et les collines du Liban nous enlaçaient.
Nous voguions du côté des saules pleureurs, et leurs reflets ondoyaient autour de nous.
Et pendant que je dirigeai la barque avec une rame, ma bien-aimée prit son luth
et chanta ainsi :
Quelle fleur, hormis le lotus,
Connaît les eaux et le soleil ?
Quel coeur, hormis le coeur du lotus,
Connaîtra aussi bien la terre que le ciel ?
Contemple, mon amour, la fleur dorée
Qui flotte entre le profond et l'élevé,
Tout comme toi et moi flottons entre un amour
Qui soupire de tout temps
Et soupira pour toujours.
Plonge ta rame, mon amour,
Et laisse-moi effleurer mes cordes.
Suivons les saules, sans oublier les nénuphars.
A Nazareth vit un poète
Dont le coeur est comme le lotus.
Il a visité l'âme de la femme,
Et il connaît sa soif qui éclôt des eaux
Et sa faim de soleil,
Bien que toutes ses lèvres soient nourries.
On dit qu'il chemine en Galilée.
Je dis qu'il rame avec nous.
Ne peux-tu pas voir son visage, mon amour ?
Ne peux-tu vois, là où la branche du saule se ploie
Pour rencontrer son reflet,
Qu'il flotte avec nous ?
Bien-aimé, il est bon de connaître la jeunesse de la vie.
Il est bon de connaître sa joie chantante.
Puisses-tu toujours tenir la rame
Et moi, mon luth affiné,
Quand le lotus rit au soleil
Et le saule caresse les eaux,
Et sa voix vibre sur mes cordes.
Plonge ta rame, mon amour,
Et laisse-moi effleurer mes cordes.
Il est un poète à Nazareth
Qui nous connaît et nous aime.
Plonge ta rame, mon amant,
Et laisse-moi effleurer mes cordes.
XLVIII JONATHAN - Jésus le Fils de l'Homme - KHALIL GIBRAN